Les arbres solitaires
Je me réveille tôt car j’ai l’intention d’écrire un peu, mais bizarrement, je me sens dans une espèce de brouillard comateux. Je suis assise devant mon écran, figée dans l’espace et le temps. En plus, je ne sais plus quoi dire. Rien ne me vient à l’esprit. Un soleil pâle filtre à travers les nuages. C’et le premier jour où je sens l’automne dans l’air. Je n’aime plus l’automne. Il est loin le temps, où je m’extasiais devant la beauté d’une forêt pleine de nuances d’orange et de rouge. J’habite dans la capitale, et malheureusement, les arbres qui n’ont pas encore été coupés, sont dispersés, chacun résistant stoïquement, dans des conditions de vie difficiles. Pourquoi je pense aux arbres ce matin ? Eh bien, je n’en ai aucune idée. Sauf que j’ai subitement envie d’en parler, moi qui croyais ne pas savoir quoi dire aujourd’hui.
Ces arbres, je les plains à chaque fois que je passe devant. Ils sont agressés par la poussière, le bruit des klaxons, les odeurs. Et que dire de leur emplacement… La plupart sont seuls, solitaires et souffrent depuis longtemps de ne plus faire partie d’un espace vert. Est-ce que les arbres sentent ? Moi je le crois… Il y en a plusieurs que je croise souvent sur mon chemin, et qui à chaque fois me font mal au cœur.
Le magnolia
Que ressent ce magnolia à Achrafieh (ville importante dans Beyrouth), seul dans un grand parking ? Survivant d’une belle époque, mais dorénavant entouré de bitume. Il est là, dressé majestueusement. Il se pare régulièrement de ses atours, de grandes fleurs blanches au parfum citronné, que malheureusement personne ne sent plus. Leur parfum est étouffé par l’odeur de l’essence que dégagent des centaines de voitures, qui dans un ballet incessant vont et viennent toute la journée. L’arbre est perdu dans ses souvenirs, indifférent au vacarme. Souvenirs d’une époque où les senteurs de ses fleurs se mêlait à celle des citronniers et des orangers depuis longtemps disparus. Je suis sûre qu’il se souvient des ces femmes qui le regardaient de leurs balcons, adossées aux balustrades en fer forgé. Elles le contemplaient de leurs maisons libanaises aux toits de tuiles rouge, heureuses ou tristes, les yeux rêveurs, une tasse de café à la main. Nostalgie…
Le pin parasol
Il y a aussi ce pin parasol qui est étouffé par les immeubles, dans un quartier bruyant et populaire. Chaque soir, des jeunes gens se réunissent autour de lui, adossés à leurs mobylettes aux effluves d’essence. Ils fument des cigarettes à n’en plus finir, et jettent les bouts incandescents au pied de l’arbre. Très souvent, des canettes de bière vides rejoignent les mégots. Rien qu’à l’idée de ce rituel, je suis hors de moi. Les pins parasols ne sont pas supposé vivre seuls, mal entourés et loin de leurs congénères. Ils sont habitués au chant des cigales, à la brise marine pleine de senteurs, à la chaleur de l’été s’infiltrant sous les branches. Ils ont la nostalgie d’un paysan, adossé à leur tronc, se reposant calmement avant de reprendre son labeur. Ils sont habitués à des enfants et des fillettes en robe blanches courant gaiment autour d’eux, dans une farandole sans fin. Les pins parasols sont habitués à vivre en paix. Les pins parasols sont supposés sourire tout le temps !