Les détectives

 

J’étais une gamine intrépide à l’école. J’étais la cheftaine d’un groupe de trois filles, moi inclus. Nous nous étions données comme nom de groupe « Charlie’s Angels ». Cette émission télévisée avait beaucoup de succès à l’époque (on était dans les années quatre-vingt). Ces trois femmes étaient des détectives qui faisaient partie de l’équipe de Charlie, leur patron. Elles s’appelaient Jill, Sabrina et Kelly. L’une blonde (Jill), l’autre aux cheveux châtain foncé (Sabrina) et la troisième aux cheveux noirs (Kelly) nous fascinaient. J’avais choisi d’être Kelly, malgré mes cheveux châtains. Mes deux amies avaient l’une les cheveux blonds et l’autre les cheveux noirs, mais je persistais à vouloir être Kelly. J’étais fascinée par elle et dans mon intransigeance en tant que créatrice de ce groupe, c’était ou Kelly ou la dissolution du groupe. Mes amies n’ont pas accepté de bon cœur, mais elles étaient aussi curieuses que moi. On voulait espionner les grands des classes de terminale, qu’on suspectait de s’embrasser en cachette dans les autocars.  

Nous nous faufilions dans les toilettes des grands, dans les vestiaires, dans l’auditorium vide, dans les classes désertées à la récré par la plupart des élèves et eurêka ! Il y en avait partout de ces couples qui s’embrassaient à perdre haleine. Ils ne se rendaient même pas compte que nous étions là, à les regarder en pouffant de rire, ayant le sentiment d’avoir accompli un exploit.

Notre équipe fut dissolue, quand mes amies avaient proposé que nous échangions nos rôles au fur et à mesure et que j’avais refusé catégoriquement. Dégoûtées, elles ne m’ont plus adressé la parole de toute l’année. Elles avaient amplement raison. Leur demande était justifiée, mais à l’époque, je leur avais tenu rigueur et j’avais gardé mes positions. J’étais une petite peste. Oui, je vous vois venir ! Non, je ne le suis plus ! Enfin, bon, parfois…